02.02.2022 - Flossbach von Storch

« Pas cher n'est pas toujours bon marché »


« Pas cher n'est pas toujours bon marché »

La nouvelle année a vu une correction sur les marchés boursiers. Entretien avec Thomas Lehr, stratège du marché des capitaux, sur les effets de la hausse des taux d' intérêt – et les risques de la chasse aux bonnes affaires.

Monsieur Lehr, les bourses ont récemment connu un regain de turbulences. Quel rôle jouent les banques centrales dans ce contexte ?
La banque centrale américaine, en particulier, va rendre sa politique monétaire un peu moins expansive, c'est-à-dire qu'elle va arrêter les achats d'obligations et augmenter les taux d'intérêt. Il y a pas mal d'investisseurs pour qui il est évident que les cours des actions doivent baisser dans ce contexte. Je serais un peu plus réservé. Les attentes de hausse des taux d'intérêt constituent plutôt un argument bienvenu pour prendre des bénéfices après de nombreux trimestres de forte hausse des cours. Dans ce contexte, la hausse des taux d'intérêt est peut-être un déclencheur, mais pas une raison fondamentale incontournable de la baisse des cours des actions.    

Ce sont surtout les actions technologiques qui ont été touchées récemment.
C'est vrai. Mais il existe d'énormes différences entre les valeurs technologiques. Dans ce segment, on trouve des leaders mondiaux du marché avec des revenus courants très prévisibles et constants et des caisses bien remplies, mais aussi des entreprises qui sont à peine sorties de la phase de « start-up » et qui n'ont encore jamais livré de chiffres noirs. Beaucoup d'entre elles n'y parviendront peut-être jamais.

On dit que les jeunes entreprises technologiques sont particulièrement vulnérables à la hausse des taux d'intérêt. Et ici, la correction a été particulièrement forte.  
On fait volontiers remarquer que ces entreprises ne réaliseront une grande partie de leurs revenus futurs que dans un avenir lointain et que ceux-ci doivent être actualisés dans le présent avec un taux d'intérêt plus élevé pour calculer la juste valeur d'une action . Cela semble en effet indiquer une vulnérabilité particulièrement élevée aux baisses de cours en cas de hausse des taux d'intérêt. Mais cette justification ne tient pas la route, notamment pour les entreprises technologiques de second rang qui, comme vous le dites à juste titre , corrigent déjà fortement depuis des mois.   

Dans quelle mesure ?
Le taux d'escompte qui permet d'actualiser les revenus futurs n'est justement pas seulement ce que l'on appelle le « taux sans risque ». En tant qu'investisseur, vous voulez être rémunéré pour le risque d'entreprise que vous prenez et vous exigez donc une prime de risque. Dans le cas des entreprises jeunes et innovantes, dont les résultats futurs sont encore très incertains, cette prime de risque est généralement relativement élevée et constitue donc un facteur beaucoup plus décisif. Si vous exigez par exemple une prime de risque de cinq ou six pour cent, il est presque secondaire d'y ajouter un taux sans risque de deux pour cent ou de 2,5 pour cent. Comme de nombreux investisseurs n'ont de toute façon pas considéré le faible taux d'intérêt américain comme durable, on peut de toute façon douter qu’il n’ait jamais fait partie d'une évaluation réaliste. Mais même si c'était le cas : Celui qui partait jusqu'à présent d'un taux d'intérêt sans risque de deux pour cent et qui augmente maintenant cette attente à 2,5 pour cent ne parviendra pas aujourd'hui à une autre « juste valeur » substantielle pour une évaluation d'entreprises technologiques avec une prime de risque élevée. Les baisses de cours de 50 pour cent et plus, comme nous l'avons vu récemment dans ce segment, ne s'expliquent en tout cas pas ainsi.

Les baisses de cours peuvent aussi offrir des opportunités d'entrée. De nombreux médias parlent déjà d'une « rotation ». Les actions "value" devraient en profiter, tandis que les titres « growth » sont moins demandés. Qu'est-ce qui se cache derrière ce phénomène ? 
Dans le domaine de la « value », contrairement au domaine de la « growth », on trouve souvent des titres qui – comme leur nom l'indique – ne bénéficient pas d'une croissance constante, mais d'une faible évaluation. L'évaluation optiquement faible laisse supposer à de nombreux investisseurs que les « titres value » sont particulièrement « bon marché ». Les chiffres financiers tels que le ratio cours/bénéfice (PER), le ratio cours/cash-flow (KUV) ou les rendements élevés des dividendes sont souvent cités comme preuve.

De telles « bonnes affaires » valent-elles la peine ?
En fait, il n'est pas rare que l'évaluation plus faible soit l'expression d'un risque plus élevé, lié à la dépendance de ces valeurs à la conjoncture. Les investisseurs professionnels exigent donc une prime de risque plus élevée, ce qui entraîne à l'inverse des multiples de bénéfices ou de chiffre d'affaires plus faibles. Si les titres semblent « moins chers », ils ne sont pas nécessairement « bon marchés ».

Pourquoi ?
En raison de la dépendance à la conjoncture, il est souvent plus difficile de faire des prévisions de rendement fiables à long terme dans ce segment que dans des entreprises à la croissance fiable, que l'on ne trouve d'ailleurs pas seulement dans le secteur technologique, mais aussi tout à fait dans le domaine des valeurs de consommation de base. En forçant le trait, on peut dire que la « value » au sens de « valeur » se trouve souvent plus facilement dans le segment « growth » que dans la « value ».

Mais les chiffres-clés parlent bien en faveur d'un achat ?
Nous déconseillons de se concentrer uniquement sur le PER et les ratios similaires lors de la sélection des actions. A cela s'ajoute le fait que : En période de taux d'intérêt réels négatifs, les obligations ne suffisent pas à maintenir le pouvoir d'achat d'un patrimoine. Il faut pour cela une quote-part d'actions nettement plus élevée. Pour de nombreux investisseurs, les fluctuations qui en découlent sont un problème. Celui qui, au sein de la quote-part d'actions, accorde une grande importance aux entreprises dont la dépendance à la conjoncture estparticulièrement élevée, uniquement parce qu'elles ont l'air « bon marché », ne se rend souvent pas service.

Si l'évolution économique n'est pas aussi positive que prévu...
...alors le portefeuille est particulièrement touché. Même si les signes semblent clairement indiquer une reprise économique, il faut toujours se poser la question suivante lors de la composition du portefeuille : « Et si les choses se passaient autrement ? » Un portefeuille solide ne devrait pas avoir de penchant – et surtout pas un penchant vers la « reprise économique ». En dehors de cela, le « bon marché » seul n'est de toute façon pas un indicateur de qualité convaincant. 

Monsieur Lehr, nous vous remercions pour cet entretien.

 

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