20.05.2022 - Julian Marx

Conflits d'objectifs de Lagarde & Co.


Conflits d'objectifs de Lagarde & Co.

En cas d'inflation élevée, les banques centrales doivent veiller à la stabilité des prix. Mais cette tâche est exercée différemment à travers le monde.

Que ce soit aux Etats-Unis, dans la zone euro ou même dans la paisible Nouvelle-Zélande, l'inflation ne connaît qu'une seule direction ces jours-ci : la hausse. Dans de nombreux pays du monde, les prix à la consommation volent de record en record : en mars, le taux d'inflation aux États-Unis était de 8,5 pour cent, dans la zone euro de 7,4 pour cent et en Nouvelle-Zélande de 6,9 pour cent. L'objectif d'inflation de deux pour cent que les banques centrales poursuivent dans les trois zones monétaires s'est éloigné. C'est donc au plus tard à ce moment-là que les responsables de la politique monétaire devraient prendre clairement le contre-pied.

Le fait est que l'inflation commence à s'installer dans de nombreux pays. Des prix à la consommation élevés et persistants peuvent non seulement peser sur la demande de consommation, mais les investissements sont également souvent reportés dans de telles phases – une épreuve pour l'économie et l'emploi. Historiquement, les hausses de taux d' intérêt se sont avérées être un instrument efficace pour lutter contre l'inflation. Pourtant, les trois banques centrales réagissent de manière très différente à la hausse de l'inflation et suivent chacune des considérations différentes.

Une stratégie classique et éprouvée

La Reserve Bank of New Zealand a été fondée en 1934 et son objectif avoué est de maintenir l'inflation entre un et trois pour cent. De fait, les responsables se sont montrés fermement décidés à faire en sorte que l'inflation, qui a elle aussi fortement augmenté, se rapproche le plus possible de l'objectif d'inflation dans les meilleurs délais. Au cours des quatre dernières réunions, les taux directeurs ont toujours été relevés. De 0,25 pour cent en octobre 2021, ils sont déjà passés à 1,5 pour cent en avril 2022. D'autres hausses du taux directeur sont prévues. Leur stratégie de politique monétaire repose sur la conviction qu'il est moins dommageable à long terme d'augmenter les taux d'intérêt à un stade précoce et, le cas échéant, un peu plus fortement, que de supporter les risques d'une inflation qui se pérennise. La stratégie de la Nouvelle-Zélande a fait ses preuves, elle est pour ainsi dire de la vieille école.

Les banquiers centraux néo-zélandais s'inspirent de l'exemple de la Bundesbank allemande. La politique monétaire de cette dernière, axée sur la stabilité, est considérée comme un modèle de réussite des années 1970, marquées par l'inflation. Dans le sillage des crises pétrolières, les taux d'inflation, déjà élevés à l'époque, ont encore augmenté en Allemagne. La Bundesbank a réagi en augmentant les taux d'intérêt et en acceptant, à court terme, une charge supplémentaire pour l'économie en cette période d'incertitude. Elle l'a toutefois fait en étant convaincue que des taux d'intérêt bas pouvaient tout au plus aider l'emploi à court terme. A moyen terme, les charges liées aux taux d'inflation élevés l'emporteraient.

Ces réflexions ont passé avec succès l'épreuve de la réalité. Ainsi, après le premier choc pétrolier, les taux directeurs ont été relevés de trois à sept pour cent en raison de la hausse de l'inflation, de sorte que la croissance n'a retrouvé son ancien niveau qu'en 1976. Néanmoins, la phase de stagnation s'est moins installée en Allemagne qu'aux États-Unis par exemple. Aux États-Unis et dans d'autres pays, les banques centrales ont tenté à l'époque d'atténuer les conséquences négatives des chocs pétroliers sur le marché du travail par une politique monétaire expansive. Mais par rapport à l'Allemagne, les taux d'inflation y ont été durablement plus élevés, sans que le chômage n'ait diminué. La voie de l'ancienne école de la Nouvelle-Zélande pourrait donc s'avérer être la bonne.

Prisonnier de la tactique

Le mandat de la Banque centrale européenne (BCE) s'inspire étroitement du modèle à succès de la Bundesbank allemande. A vrai dire. L'objectif premier de la BCE est de garantir la stabilité des prix. Mais jusqu'à présent, on n'en voit guère la trace. Les achats de titres par la BCE devraient probablement prendre fin au troisième trimestre. Ce n'est qu'ensuite qu'une première hausse des taux d'intérêt est envisagée.

Pourquoi la présidente de la banque centrale, Christine Lagarde, est-elle si hésitante ? Parce que la BCE considère les perspectives économiques à court terme comme très incertaines. La guerre en Ukraine et les sanctions économiques liées à la guerre pourraient déclencher une récession. Ce qui est problématique dans ces réflexions, c'est que la focalisation de la politique monétaire sur les perspectives économiques à court terme place la banque centrale dans un sentiment d' « impuissance à agir ». Elle se retrouve ainsi dans un conflit d'objectifs qui met en péril son mandat clair de stabilité des prix. Au lieu de lutter contre une inflation manifestement beaucoup trop élevée, elle craint les conséquences économiques à court terme d'une politique monétaire moins expansive. Elle ne rend ainsi guère justice à l'héritage de la Deutsche Bundesbank.

Un positionnement clair

La politique monétaire américaine est plus audacieuse. En raison de son mandat, elle est certes confrontée à un conflit d'objectifs similaire à celui que la BCE s'impose ces jours-ci. En effet, outre l'objectif d'inflation de deux pour cent, la banque centrale américaine, la Federal Reserve (Fed), poursuit un deuxième objectif : le plein emploi. Dans le cadre de ce que l'on appelle son « double mandat », la Fed doit toujours tenir compte de ces deux objectifs dans ses décisions. Si des taux d'inflation élevés se heurtaient à un taux de chômage très élevé, le dilemme serait programmé. En augmentant les taux d'intérêt, elle peut certes lutter contre l'inflation, mais le risque d'étouffer l'économie augmente, de sorte que le chômage devrait augmenter en contrepartie – du moins à court terme.

Heureusement, ce conflit d'objectifs potentiel ne constitue pas un obstacle dans la situation actuelle. L'inflation américaine élevée, qui a récemment dépassé les huit pour cent, est associée à un marché de l'emploi solide, avec environ six millions de chômeurs pour onze millions d'emplois vacants. La première augmentation du taux directeur en mars dans une fourchette de 0,25 à 0,5 pour cent n'était donc que le début d'un cycle de hausse des taux. D'autres étapes devraient suivre.

Les hausses de taux d'intérêt pèsent sur l'économie, mais l'inflation élevée lui nuit

L'extraordinaire dynamique de l'inflation met les banques centrales du monde entier sous pression. On sait qu'il est difficile de prévoir à quel point et à quel rythme celles-ci relèveront les taux d'intérêt dans les mois et les années à venir – aujourd'hui plus que jamais.

Les banques centrales qui, en raison de leur focalisation sur l'économie et l'emploi, font obstacle à une lutte résolue contre l'inflation, pourraient en fin de compte être victimes d'une illusion. En effet, si des taux d'inflation élevés ne peuvent pas être contenus, les dommages économiques qu'elles souhaitent éviter à court terme sont inévitables à moyen terme. Les consommateurs turcs, confrontés à une inflation de 61,1 % en mars 2022, devraient le confirmer.

 

INFORMATIONS JURIDIQUES

Les informations et évaluations contenues ne représentent en aucun cas des conseils de placement. Les informations contenues et les avis, exprimés dans le présent document, sont des évaluations de Flossbach von Storch Invest S.A. au moment de la publication. Ils peuvent être modifiés à tout moment sans notification préalable. Les informations relatives à l’évolution des marchés reflètent l’avis et les futures attentes de Flossbach von Storch Invest S.A. Mais les évolutions effectives et les résultats peuvent fortement diverger des attentes. Toutes les informations ont été regroupées avec grand soin. La valeur de tout placement peut augmenter ou baisser et vous percevrez éventuellement moins d’argent que le montant investi.

Il ne s’agit pas d’une offre d’achat ou de souscription de titres. Ces informations ne constituent pas des conseils d’investissement ou d’autres recommandations. La valeur d’un placement peut fluctuer à la baisse ou à la hausse et il se peut que vous ne receviez pas le montant investi. Avant de faire un placement, vous devriez en parler à votre conseiller.

Le présent document est soumise au droit d‘auteur, au droit des marques et au droit de propriété industrielle. La reproduction, la diffusion, la mise à disposition pour consultation ou la mise en ligne (transfer vers d‘autres sites Internet) de tout ou partie de la vidéo, sous forme modifiée ou non, n‘est autorisée qu‘avec l‘autorisation écrite préalable de Flossbach von Storch Invest S.A. L‘étendue de l‘autorisation doit alors être respectée et une référence doit être faite à l‘origine de la reproduction et aux droits de la Flossbach von Storch Invest S.A.

© 2023 Flossbach von Storch Invest.  Tous droits réservés.